top of page
Rechercher
  • Grégoire Jeanmonod

La parole du Maître


J'ai retrouvé récemment dans ma bibliothèque un recueil d'entretiens menés par l'écrivain Paul Gsell avec Auguste Rodin.


Publiés en 1911, ces conversations contiennent quelques perles de sagesse que nous ferions bien de méditer.


Il y a un passage, notamment, que je ne résiste pas à l'envie de vous livrer aujourd'hui.


La première partie est un constat établi par le sculpteur. Elle reflète une vision de la société certes datée - 1911 quand même ! -, qui gagnerait à être nuancée un tantinet. Mais force est d'admettre que son propos résonne étrangement avec certains enjeux actuels, liés à notre rapport au travail.


Quant au dernier paragraphe... il pourrait être ma profession de foi tant il fait écho à la vocation de ma petite entreprise. Et je suis certain que tous ceux qui, comme moi, s'efforcent de construire des ponts entre le monde de l'art et celui de l'entreprise s'y retrouveront un peu.


Je laisse la parole à l'auteur du 𝘗𝘦𝘯𝘴𝘦𝘶𝘳.


***


"Ce qui manque le plus à nos contemporains, c'est, il me semble, l'amour de leur profession. Beaucoup n'accomplissent leur tâche qu'avec répugnance. Il en est ainsi du haut en bas de l'échelle sociale. 


Les hommes politiques n'envisagent dans leurs fonctions que les avantages qu'ils peuvent en tirer, et paraissent ignorer la satisfaction qu'il y a à traiter les affaires de leur pays.


Les industriels, au lieu de soutenir l'honneur de leur marque, ne cherchent qu'à gagner le plus d'argent qu'ils peuvent ; les ouvriers, animés contre leurs patrons d'une hostilité plus ou moins légitime, se plaignent d'être exploités.


Presque tous les hommes d'aujourd'hui semblent considérer le travail comme une affreuse nécessité, une corvée maudite, alors qu'il devrait être regardé comme notre raison d'être et notre bonheur. (...)


Pour que ce merveilleux changement s'opérât, il suffirait que tous les hommes suivissent l'exemple des artistes, ou mieux qu'ils deviennent tous des artistes eux-mêmes. Car le mot dans son acception la plus large signifie pour moi ceux qui prennent plaisir à ce qu'ils font. Il serait à désirer qu'il y eût ainsi des artistes dans tous les métiers : des artistes charpentiers, heureux d'ajuster habilement tenons et mortaises ; des artistes maçons, gâchant le plâtre avec amour ; des artistes charretiers, fiers de bien traiter leurs chevaux et de ne pas écraser les passants. Cela formerait une admirable société, n'est-il pas vrai ?


Vous voyez donc que la leçon donnée par les artistes aux autres hommes pourrait être merveilleusement féconde."


***


Il y a 10 ans, quand j'ai fondé mon entreprise, je l'ai appelée "47ème rue" en référence à Warhol. Si c'était à refaire aujourd'hui, je la baptiserais probablement "Rue de Varenne". 😉 

bottom of page