Si vous avez déjà fait du tourisme au Cap, vous avez sans doute admiré le panorama à Cape Point et salué les pingouins à Boulders Beach... mais vous n'avez probablement pas mis les pieds à Khayelitsha.
Et c'est normal. Parce que Khayelitsha, c'est un immense bidonville à l'est de la ville, célèbre pour l'insécurité qui y règne.
Il y a une dizaine d'années, l'association VPUU (Violence Prevention through Urban Upgrading), a développé un projet visant à enrayer la violence qui sévissait à Khayelitsha.
Selon eux, un des moyens de réduire l'insécurité était d'installer un éclairage public dans le bidonville. Plongées dans l'obscurité à la nuit tombée, les ruelles devenaient le théâtre d'innombrables trafics, agressions et viols. De simples réverbères suffiraient à empêcher les plupart de ces crimes.
Restait à trouver les fonds nécessaires pour les installer. La municipalité étant aux abonnés absents, il fallait solliciter les habitants du Cap.
C'est là qu'entre en scène l'artiste Faith47, native du Cap, devenue l'une des stars du Street Art mondial. Son projet: The Harvest, une immense fresque censée sensibiliser les riches Captoniens au sort des plus modestes.
Il a été décidé que Faith47 travaillerait sur une façade du District 6 - symbolique de l'apartheid car anciennement réservé aux Blancs -, à flanc de montagne, sur la très passante De Waal Drive qui surplombe le centre-ville et les quartiers huppés.
L'idée lumineuse, c'était d'équiper cette œuvre d'un réseau de LED connecté.
L'opération, baptisée "Another Light Up", consistait à conditionner l'allumage de ces ampoules aux sommes reçues par l'association. A chaque don, les LED brillaient un instant. Et à chaque fois que les fonds réunis permettaient de financer un nouveau réverbère, elles s'allumaient toute une nuit.
The Harvest a ainsi permis d'éclairer les principales ruelles de Khayelitsha.
Plus qu'un simple artifice, ce jeu de lumière était un moyen de signifier aux donateurs que leur geste avait un impact réel, tangible. Il donnait de la concrétude à un transfert d'argent virtuel. Ces lueurs, c'était la manifestation de leur générosité.
Ce que Faith 47 a mis en œuvre ici, c'est un principe de motivation fondamental: tout effort doit générer un effet. Et cet effet doit être visible.
Pensez à nos métiers: quoi de plus démotivant que de travailler sans jamais percevoir l'impact que nos efforts ont sur le monde? Comment trouver du sens à des tâches dont les effets restent invisibles et la valeur ajoutée abstraite?
Nos actions individuelles, soyons lucides, ont une portée limitée. Mais le plus important c'est que quelqu'un ou quelque chose nous dise: "Ce que tu fais, ça produit un résultat." Parce qu'à chaque fois, c'est une petite lumière qui s'allume dans la pénombre de notre routine quotidienne. ;)
Photos:
Faith47, The Harvest, 2014