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Changer une vie

Grégoire Jeanmonod

Alors que l'esprit de Noël gagne nos cœurs - et nos supermarchés -, j'ai envie de vous raconter une belle histoire. 


Il se trouve qu'elle met en scène un personnage qui n'a pas semé que du bonheur autour de lui - et notamment auprès des femmes qu'il a fréquentées: Pablo Picasso.


Ce post n'est pas une tentative de réhabilitation d'un génie en disgrâce, mais le simple récit d'un moment d'humanité.


Nous sommes en 1954. Picasso, 73 ans, vit à Vallauris.


Un jour, sur le chemin de la poterie où il cuit ses céramiques, il aperçoit dans un jardin une jeune femme blonde avec une queue de cheval.


Troublé, il revient le lendemain et lui demande: "Accepteriez-vous de poser pour moi?"


Mettez-vous à la place de la jeune Sylvette David: vous avez 19 ans, et le plus grand peintre du siècle vous veut comme modèle...


Pendant trois mois, elle va se rendre chaque jour au domicile de Picasso, pour passer des heures assise dans un rocking chair.


L'artiste, lui, va réaliser plus de 40 portraits. Au point que le magazine Life, plus tard, évoquera sa période "ponytail".


Au fil des semaines, la complicité grandit entre le peintre et sa muse: il lui raconte sa jeunesse, lui récite des poèmes, lui parle de son art, lui fait des blagues, lui donne des conseils sur la vie...


Essaye-t-il de la séduire? Sylvette expliquera: "Il n'a jamais été question qu'il se passe quoi que ce soit. Ca ne l'a pas empêché d'être toujours délicat et attentionné."


Picasso lui propose de la payer, mais elle refuse. "J'avais peur, si j'acceptais, de devoir poser nue."


Alors le peintre trouve deux moyens de la rémunérer.


D'abord, il achète une quantité extravagante de meubles au petit-ami ferronnier de Sylvette.


Mais surtout, à la fin de la saison, il lui propose de choisir un des portraits de la série.


Ce tableau, elle le vendra quelques années plus tard, quand son mari tombera gravement malade. Elle pourra ainsi payer les soins qui lui sauveront la vie... et s'acheter un appartement.


Sylvette fera sa vie en Angleterre, où elle deviendra artiste peintre sous le nom de Lydia Corbett. Picasso lui a offert plus qu'un portrait: une vocation.


Aujourd'hui, elle a 90 ans. Et elle ne cesse de répéter: "Je remercie chaque jour Dieu et Picasso pour ce qui m’est arrivé ce printemps-là."


Alors certes, vous et moi ne sommes pas Picasso. Nos actions ont une portée moindre. Mais nous sommes tous responsables des histoires que nous écrivons au fil de nos rencontres.


Quels que soit notre métier et notre situation, que nous soyons amis, patrons, collègues ou voisins, nous ne devrions jamais sous-estimer l'impact que nous pouvons avoir sur la vie des gens qui croisent notre route. 


Peindre des toiles de maître n'est pas donné à tout le monde. Mais témoigner de l'attention, offrir un peu d'humanité, partager une passion ou provoquer quelques sourires, n'est jamais hors de portée.


Il suffit de le vouloir.

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