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  • Grégoire Jeanmonod

Prendre soin...


Ce tableau n’est peut-être pas LE chef d’œuvre de son auteur Frédéric Bazille. Et pourtant c’est une de mes toiles préférées. Parce qu’elle réunit en une image tous les sens d’un mot tellement employé dans notre quotidien qu’on en oublie parfois l’importance : l’attention.


L’œuvre s’intitule « l’Ambulance improvisée ». Le type allongé sur le lit, c’est Claude Monet. Qu’est-ce qu’il fait là ? Il serre les dents. Pourquoi ? Parce qu’il a le tibia en miettes. Mais ça c’est la fin de l’histoire. Petit flashback pour mieux comprendre.


Nous somme en 1865. Monet se prépare à peindre une grande toile en plein air, façon déjeuner sur l’herbe, dans une clairière de la forêt de Fontainebleau. Et il a demandé à des amis de venir poser pour lui. Jusque-là, rien de très inhabituel.


Après plusieurs heures de travail – alors que les modèles commencent à avoir des fourmis dans les jambes, au sens propre comme au sens figuré – un incident se produit. A quelques dizaines de mètres de là, des jeunes athlètes s’entraînent au lancer du disque. Vous me voyez venir : un lancer maladroit, et voilà le projectile qui roule à toute vitesse vers le pique-nique. Que fait Monet ? Dans un réflexe héroïque (ou complètement idiot, je vous laisse choisir), il saute de son tabouret pour s’interposer : il tend la jambe, et là… c’est le drame.


Bah oui, parce que le disque en question, c’est pas un frisbee en plastique. C’est un objet en bois massif de 2 kilos. Donc forcément, hautement contondant. Monet s’écroule et se roule par terre – imaginez Neymar dans ses meilleurs jours –, en tenant sa jambe sanguinolente.


Mais dans son malheur, il a de la chance. Parce que parmi ses proches venus poser pour lui se trouve son grand copain Frédéric Bazille. Jeune peintre… et étudiant en médecine. Ni une, ni deux, Bazille sort de sa torpeur, se jette sur son ami, lui fait un garrot, le relève et l’accompagne clopin-clopant à son auberge.


Une fois dans la chambre, il allonge Monet sur le lit, surélève la jambe blessée avec une couverture pliée, et pour que la plaie reste imbibée d’antiseptique, installe un goutte-à-goutte de fortune en suspendant un pot percé rempli de permanganate de potassium (oui oui, on trouvait ça dans les auberges à l’époque : c’était utilisé pour purifier l’eau). 


Et après, il fait quoi, Bazille ? Il tient compagnie à son copain. Et faute de pouvoir jouer à Candy Crush, il prend une toile qui traine dans la chambre, et peint ce que vous avez sous les yeux. Une manière de tuer le temps, mais surtout de dire au blessé : je suis là, j’ai pris soin de toi, et comme ton état m’importe, toute mon attention reste sur toi.



Morale de l’histoire : quand un collègue va mal, prenez du temps pour lui… et vérifiez que vos nœuds tiennent bien (ne mentez pas : en voyant le tableau vous avez pensé à la même chose que moi).

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