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  • Grégoire Jeanmonod

Déléguer pour briller


Les ateliers d'artistes, dans l'Italie de la Renaissance, étaient des lieux d'intense activité collective.


Autour du maître s'agitaient de nombreuses petites mains chargées de broyer les pigments, préparer les liants, entretenir les outils et passer un coup de balai.


Ces disciples, loin d'être réduits à des tâches subalternes, apprenaient le métier d'artiste au côté de leur tuteur. Et souvent, ils étaient amenés à exécuter certaines parties des œuvres sous la supervision du maître.


Dans la Florence du XVème siècle, un artiste est célèbre pour avoir formé dans sa bottega une génération de génies : Andrea del Verrocchio. A la fois peintre, sculpteur et graveur, il a eu pour apprentis Sandro Botticelli, Le Pérugin, Lorenzo di Credi et Léonard de Vinci. Une vraie Dream Team.


L'anecdote suivante a été relatée par le peintre de la Renaissance Giorgio Vasari, biographe inspiré des artistes de son temps.


Dans son chapitre consacré à Léonard de Vinci, Vasari écrit : "Sur un tableau du Baptême du Christ qu'exécutait Andrea del Verrocchio, Léonard peignit un ange, et, bien qu'il fut jeune, il le fit infiniment supérieur aux figures peintes par Andrea, si bien que celui-ci ne voulut plus jamais toucher aux couleurs."


Le maître dépassé par son élève au point de renoncer définitivement à la peinture ?! Effectivement, il semble que ce tableau est bien le dernier sur lequel Verrocchio a porté son pinceau.


Comment interpréter cette décision ? Tout est une question de sous-texte. Je vous propose deux versions:

- Verrocchio vexé 😤 : "Cet avorton peint mieux que moi ?! Puisque c'est ça, j'en ai fini avec la peinture : je ferme boutique !" ☠

- Verrocchio malin 😉 : "Il est doué ce petit. Si je lui confiais mes tableaux, j'aurais du temps pour me consacrer à ma vraie passion : la sculpture." 👍


L'histoire confirme que l'homme était plus malin que vexé, et que sa réaction a bénéficié aux deux parties :

- Léonard est resté encore plusieurs années dans son atelier, réalisant pour le compte de la 𝘣𝘰𝘵𝘵𝘦𝘨𝘢 ses premiers chefs d'œuvre.

- Verrocchio a passé les dernières années de sa vie à manier le burin pour réaliser plusieurs merveilles de marbre ou de bronze.


Et vous ? Êtes-vous plutôt du genre à détester que d'autres brillent plus que vous... ou à y voir l'opportunité d'une délégation efficace ?


Quelle que soit notre expérience, nous ne sommes jamais à l'abri de trouver autour de nous des talents plus prometteurs ou plus affirmés que le nôtre.


N'oublions pas alors que la délégation est une démarche aussi profitable pour celui qui la décide que pour celui qui en bénéficie.


Car si le second voit ses responsabilités grandir et son horizon s'élargir, le premier s'offre la possibilité de concentrer son talent et son énergie sur la partie de son activité où sa valeur ajoutée s'exprime le mieux.


A charge pour nous de trouver notre Léonard... ou notre Verrocchio.

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