Joseph Mallord William Turner
Helvoetsluys; le ville d’Utrecht, 64, prenant la mer
1832
Surprendre pour éveiller
Au XIXème siècle, la prestigieuse Royal Academy of Arts britannique organisait chaque année à Londres une exposition événementielle lors de laquelle chaque
artiste espérait séduire le public, les criti-
ques et des commanditaires potentiels. La
principale difficulté étant de parvenir à
distinguer son œuvre au milieu de murs
saturés de tableaux.
En 1832, le jour du vernissage (veille de
l’ouverture au public, dernière occasion
pour les peintres de retoucher leurs œuvres), William Turner constate que son tableau, figurant des bateaux au large d’un port néerlandais, a été accroché à côté
d’une autre marine, presque deux fois plus grande, de son rival John Constable. Avec ses dimensions modes-
tes, sa lumière diffuse et ses teintes froides, son
Helvoetsluys a toutes les chances de
passer inaperçu à côté de l’œuvre spec-
spectaculaire de son compatriote, aux
couleurs chatoyantes et aux contrastes
forts. Loin de se résigner, Turner prend
son pinceau et brosse une bouée rouge
vif au premier plan de sa toile. Ce détail
fait tout la différence: le lendemain les visiteurs, dont le regard sera accroché par cette petite tâche vermillon, ne verront que son tableau.
John Constable
the Opening of Waterloo Brige, 1832
Ce qu'on peut en retenir:
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L’être humain devient vite insensible aux schémas récurrents: comme un bruit continu se fait oublier au bout de quelques minutes, un projet exposé de manière convenue a peu de chance d’enthousiasmer. Au contraire, ce qui détonne éveille l’intérêt de nos interlocuteurs en donnant du relief à nos propos.