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  • Grégoire Jeanmonod

Partager sous (bonnes) conditions


Vous a-t-on déjà offert des fleurs en exigeant qu'elles soient placées dans un vase sur-mesure ?


C'est un peu ce qu'a fait Claude Monet avec ses célèbres Nymphéas.


En 1918, le peintre - âgé de 78 ans - veut célébrer la victoire des Poilus.


Alors il décide, par l'entremise de son ami Georges Clémenceau, de faire un don à l'Etat Français : un ensemble de toiles sur lesquelles il travaille depuis 3 ans dans sa maison de Giverny.


Huit compositions de 2 mètres de haut et d'une largeur allant jusqu'à 17 mètres. En tout, 200 mètres carrés de nénuphars flottant sur l'eau en se mêlant aux reflets des branches de saules.


Le peintre a encore beaucoup de travail pour achever ses toiles. Alors il y consacre toute son énergie. Toute ? Pas vraiment.


Parce qu'en même temps, il s'engage dans un combat acharné : obtenir de l'Etat qu'on expose ses toiles dans les conditions qu'il a déterminées lui-même.


Il exige que ses Nymphéas soient accrochés dans une salle ovale bénéficiant d'une lumière diffuse émanant du plafond, pour plonger le visiteur "au milieu d'un aquarium fleuri".


Alors on cherche où créer un tel édifice. Plusieurs sites sont envisagés, mais aucun ne satisfait Monet.


Las, on décide d'aménager un bâtiment déjà existant. Mais là encore, ça tergiverse, ça négocie... jusqu'à ce qu'on tombe d'accord sur l'Orangerie des Tuileries.


Fin de l'histoire ? Pas du tout. Il reste à établir les plans. Et ça continue : les projets se succèdent et les architectes s'arrachent les cheveux.


Ca fait quatre ans qu'on débat : Monet commence à gonfler tout le monde.


Enfin, un accord est trouvé autour d'un projet impliquant deux salles elliptiques baignées de lumière naturelle. Alléluia ! La donation est officialisée. Monet y fait stipuler que les toiles ne pourront jamais quitter l'Orangerie.


En 1924, les travaux sont finis... mais pas les œuvres ! 


Le peintre va encore y consacrer les deux dernières années de sa vie. Quand il meurt, les toiles sont enfin achevées. Elles seront inaugurées l'année suivante dans leur écrin sur-mesure. Elles y sont encore aujourd'hui.


L'exigence de Monet soulève une question : était-il complètement gâteux, maladivement obstiné ou juste casse-bonbons ?


Aucun des trois. Mais il avait compris une chose : les conditions d'exposition sont fondamentales. Et ce qui vaut pour une œuvre vaut pour une idée, un projet, un discours, n'importe quel message.


Quand il s'agit de communiquer, nous prenons soin de préparer des argumentaires imparables et des PowerPoint mémorables. Mais si le contexte, le lieu et le moment ne sont pas favorables à une attention optimale, nos efforts risquent d'être vains.


La prochaine fois que vous organisez une réunion, pensez à Monet. Et demandez-vous si l'endroit et la date choisis sont les meilleurs.


Si ce n'est pas le cas, faites comme Monet : ne lâchez rien, trouvez autre chose... et offrez des fleurs.

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