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Grégoire Jeanmonod

Un chemin vers l'altérité


Difficile de parler de l'œuvre d'Yves Klein sans débiter un galimatias mystico spirituel qui ferait offense à l'intelligence de l'artiste.


Mais sans prétendre expliquer son travail, il est intéressant d'en rechercher les sources.


De Klein, on connait le bleu outremer, inspiré par le ciel niçois et déployé dans les monochromes qui l'ont rendu célèbre.


Mais ce qu'on ignore parfois, c'est qu'en plus d'avoir été l'une des figures de proue de l'avant-garde française des années 50, il a été un excellent judoka.


Au point d'avoir écrit un livre sur le sujet et envisagé d'en faire son métier.


De 1952 à 1954, Klein s'installe au Japon pour se perfectionner dans l'une des écoles les plus réputées du pays. Il en reviendra avec un 4ème dan. J'ai cru comprendre que c'était assez balèze.


Ce qui le fascine dans le judo, c'est la dimension spirituelle. C'est ce lien étroit entre le corps et l'esprit qui sera le fondement de sa pratique picturale.


En s'initiant au bouddhisme zen et à la méditation, il se familiarise avec la notion de "sensibilité pure". C'est elle qu'il tentera de traduire dans ses monochromes et d'autres œuvres évoquant "l'immatériel".


Au Japon, il découvre aussi les traditionnelles estampes Gyotaku : l'empreinte d'un poisson enduit d'encre sur une feuille de papier. Elles lui donneront l'idée de ses Anthropométries, pour lesquelles il demandera à des modèles couverts de peinture de se presser contre une toile.


Quant à l'image, aperçue dans un film japonais, de la silhouette en négatif d'un homme désintégré par la bombe d'Hiroshima, elle lui inspirera des œuvres où des figures humaines laisseront leur trace sur des surfaces peintes au vaporisateur... ou brûlées au lance-flammes.


Le fait est établi : le judo a joué un rôle central dans l'art de Klein. Mais au-delà de sa pratique, c'est toute la culture japonaise, ses traditions et son histoire, qui ont nourri son travail.


Sans sa fascination pour ce pays, Klein ne serait sans doute pas devenu ce génial innovateur.


On ne répètera jamais assez combien la rencontre de cultures différentes est enrichissante. La découverte de traditions éloignées de nos repères quotidiens est le meilleur moyen d'abandonner nos habitudes, certitudes et préjugés.


Mais ce que Klein nous rappelle aussi, c'est que cette curiosité sera d'autant plus fertile si elle est motivée par une passion.


Le judo a ouvert à Klein les portes du Japon tout entier.


Et vous, que faites-vous de vos week-ends ? Vous jouez du jazz ? Lisez des mangas ? Dansez le tango ? Faites de la capoeira ? Cuisinez des tajines ?


Nos loisirs sont souvent des voies d'accès à des richesses exotiques et inattendues, à même de nous inspirer des pratiques nouvelles et des idées originales.


A nous de faire de nos centres d'intérêt des chemins vers l'altérité, en associant enthousiasme et ouverture d'esprit. Avec ou sans kimono.

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