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  • Grégoire Jeanmonod

L'idéal n'est pas toujours la meilleure option

Laquelle de ces deux versions du David de Michel-Ange est la bonne ?



Prenez le temps de comparer ces deux photos. Elles ne vous procurent pas tout à fait la même sensation ? C’est normal : l’une d’elles a été photoshopée… Mais laquelle est l’originale ?



La bonne version, c’est celle de gauche.


Et pourtant, ce n’est pas la plus juste sur le plan anatomique : celle de droite a des proportions beaucoup plus « humaines ».


Car ce David de 5 mètres de haut, symbole de la cité florentine, présente une morphologie étrange. Ses épaules sont trop larges, sa tête trop grosse et ses mains trop grandes.


Pourtant, on ne peut pas suspecter Michel-Ange d’ignorer l’anatomie. Lui qui a tellement étudié le corps humains, allant jusqu'à disséquer des cadavres clandestinement, sait que son David a un buste disproportionné et des mains de gorille.


A-t-il délibérément pris des libertés avec le réel ? Sans aucun doute. Pour une raison toute simple : initialement, cette sculpture était censée prendre place au sommet d’un pilier de la Cathédrale de Florence, à quelque 70 mètres de haut.


Le regard que nous portons sur elle aujourd’hui n’est donc pas celui pour lequel Michel-Ange l’a conçue : elle était faite pour être vue en contre-plongée, et de loin.


C’est donc pour anticiper et corriger les effets de la perspective et de la distance que Michel-Ange a hypertrophié certaines parties du corps de son David.


Il a élargi le haut du corps pour que son héros semble athlétique même vu d’en dessous, accentué les traits de son visage pour que son expression déterminée reste lisible de loin, et agrandi les mains qui sont le symbole de l’action et du pouvoir.


Michel-Ange n’a pas sculpté un corps parfait « dans l’absolu ». Il a intégré à sa réflexion la destination de l’œuvre, et la manière dont elle serait observée.


Finalement la sculpture s’est révélée bien trop lourde pour être installée à l’emplacement prévu. Elle a donc pris place devant le Palazzo Vecchio, sur un piédestal de 2 mètres, avant d’être déplacée à la galerie de l’Académie. Ca fait donc 5 siècles qu’elle est admirée dans de « mauvaises » conditions… Pourtant, on n’a jamais entendu personne s’en plaindre. 😉


Concevoir un produit – une solution, un programme, une conférence – c’est d’abord réfléchir à sa destination : comment sera-t-il utilisé ? Par qui ? Dans quelles conditions ? Parce que c’est l'adéquation de notre solution à un contexte donné qui garantit son efficacité. Un produit idéal « dans l’absolu » n’a aucun intérêt, car « l’absolu » n’existe pas dans la réalité. C’est au contraire dans l’écart – délibéré, justifié et maîtrisé – entre cet « idéal absolu » et notre solution, que se niche la valeur réelle de notre travail. Comme la splendeur du David de Michel-Ange.

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