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  • Grégoire Jeanmonod

IA au temps des Impressionnistes


Je suis conférencier. Mon job, c’est d’utiliser l’histoire de l’art, et principalement de la peinture, pour réfléchir à nos façons de travailler et d’innover : de Léonard à Soulages, il y a de quoi faire.


L’an dernier, je me suis lancé dans l’écriture d’une conférence dont les exemples sont issus non pas de la peinture, mais de la photographie. Et au fil de mes lectures, j’ai réalisé qu’il y avait autant de génie chez Brassaï et Diane Arbus que chez Matisse et Basquiat.


Pourtant les premiers restent moins célèbres que les seconds. Pourquoi? Peut-être parce que si le geste du peintre nous impressionne, le photographe appuie sur un bête bouton comme nous le faisons tous, armés de nos smartphones à quadruple objectif.


Mais la photographie n’est pas qu’un loisir. Ni juste un moyen de documenter l’actualité. C’est un art. Peut-être même le plus difficile de tous, précisément parce que tout le monde est capable de prendre une photo.


Admirer les photographes comme les peintres? Le débat semble poussiéreux, et pourtant il est d’une actualité brûlante. Car il nous invite à reconsidérer l’impact de l’IA sur nos métiers. Vous ne voyez pas le rapport?


Dès sa naissance, la photo a menacé les seuls créateurs d’images que le monde connaissait : les peintres. Imaginez : vous avez passé des années à apprendre à simuler la perspective, les ombres, les textures… et on vous balance un appareil qui fait tout ça mieux que vous en quelques secondes.


Ca y est? Vous le voyez le rapport? La photo aurait pu sonner le glas de la peinture, comme l’IA semble sur le point de nous mettre tous sur la touche. La technologie fossoyeuse de la compétence humaine…


Mais la photo n’a jamais remplacé la peinture. Au contraire, elle l’a libérée et enrichie. Les peintres, affranchis de l’obligation de représenter le réel, ont exploré d’autres possibles. Et les deux disciplines ont évolué côte à côte, s’inspirant mutuellement génération après génération.


Chemin faisant, la photo a prouvé qu’elle était, plus qu’une prouesse technologique, un travail subtil et sensible : cadrage, éclairage, profondeur de champ… autant de choix subjectifs qui comptent bien plus que la qualité de l’objectif. Car c’est là que se niche le talent du photographe.


Reconnaître que la photographie est un art, c’est admettre qu’il y a quelque chose, au-delà de la technique et de l’outil, qui définit le génie humain. Voilà pourquoi c’est nécessaire et urgent.


L’IA peut jouer pour nous le rôle que la photo a joué pour les artistes : source d’inspiration, révélatrice de talent et nouveau terrain de jeu… plutôt que concurrence déloyale. A condition que nous investissions dans ce qui manque aux algorithmes : notre sensibilité, nos émotions, notre imagination… notre humanité.

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